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Henri Ungemach

L’Université Française abandonne dès 1920 la politique d’acquisition de la période précédente pour orienter ses activités dans des domaines scientifiques nouveaux, notamment dans le développement des rayons X pour l’identification des minéraux. Au cours de cette période qui prend fin avec la guerre en 1939, le cristallographe Henry Ungemach apporta une contribution scientifique remarquable en décrivant plus de 2300 formes cristallines et en définissant de nouvelles espèces minérales salifères d’après des échantillons du Chili versés dans la collection vers 1910.

Henri Léon Ungemach naît à Strasbourg le 19 septembre 1879 et décède dans la même ville le 11 juin 1936.

Tout au long de sa vie, il s’efforça de constituer une collection personnelle qui totalisa environ 3000 échantillons provenant de nombreux pays étrangers. Cette collection est actuellement conservée sur plusieurs sites : la collection principale se trouve au Laboratoire de Minéralogie et de Cristallographie de l’Université de Liège ULG, des échantillons africains se trouvent au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris et les échantillons régionaux au Musée de minéralogie de l’Université de Strasbourg.

Portrait d’un homme

Après son baccalauréat au Gymnase protestant J. Sturm de Strasbourg, il entre à l’Ecole polytechnique de Zurich d’où il en sort ingénieur-chimiste en 1904. Il s’inscrit ensuite à l’Université Impériale de Strasbourg où il soutient en 1907 une thèse de doctorat ès sciences sur les minéraux du Val de Villé.

Après de nombreux voyages en Amérique du Nord, il prend, de 1908 à 1912, la direction de l’exploitation des mines d’argent de Saint Sylvestre dans le Val de Villé.

Il quitte l’Alsace en 1912 pour Paris où il s’engage dans la Compagnie Générale des Colonies où il est chargé de missions de prospections pour des sociétés minières notamment au Maroc et à Madagascar (1914) pour l’étude des filons de graphites.

Après la première Guerre Mondiale, il recommence sa vie de voyageur et de prospecteurs. Il effectue une campagne géodésique dans le Haut Atlas avec le marquis de Segonzac avant d’être envoyé dans la Ruhr. Il est également secrétaire pour l’étranger de la Société Française de Minéralogie, de 1919 à 1934.

Retour à Strasbourg

Après quatre voyages en Ethiopie et au Maroc de 1921 à 1927, il est atteint d’une bronchite chronique qui le fait renoncer à ses voyages. Installé à Strasbourg en 1932, il est rattaché à titre bénévole au Laboratoire de Minéralogie de l’Université où il est spécialement chargé de la révision du catalogue des collections minéralogiques. Pour ce travail, il se voit honoré d’une bourse de recherche de la Caisse Nationale de la Recherche Scientifique à dater de 1934.

Ungemach cristallographe

Ungemach n’a jamais fait partie du corps des enseignants-chercheurs de l’Université, mais ses compétences scientifiques en minéralogie pure et appliquée firent de lui un chercheur et un auteur hors norme. Les conclusions de ses analyses chimiques et de ses descriptions goniométriques, rigoureuses et formelles, lui permirent souvent de rectifier les travaux d’autres chercheurs contemporains, dont Penfield, Ford, Goldschmidt, Groth, Palache, Warren, Ernst, ou encore Link. Sa présence au laboratoire de Strasbourg contribua sensiblement au rayonnement de l’Université dans cette discipline.

Ungemach entreprit des recherches systématiques en cristallographie dès 1908 par des mesures goniométriques de plus de 2300 cristaux dont un certain nombre présentait des morphologies inédites. Ses cahiers furent légués au professeur J. H. Donnay de l’Université de Baltimore.

Cristal de stephanite, dessin de H. Ungemach

« Quant à la limite de dimension des cristaux mesurables, qu’il me suffise de dire qu’un grand nombre des cristaux décrits n’ont qu’un quart de millimètre de diamètre et que quelques-uns sont plus petits encore, ce qui ne m’a pas empêché de mesurer avec certitude jusqu’à 40 faces par cristal. »

Ses recherches sur l’important fonds de minéraux du Chili acquis après 1900 à Strasbourg lui permirent de décrire plusieurs espèces minérales nouvelles et d’étudier les propriétés chimiques d’un très grand nombre de minéraux. En son honneur, deux minéraux nouveaux, des sulfates de sel hydraté, portent son nom : ungemachite et clino-ungemachite. Il avait lui-même déterminé d’autres minéraux de la même série : la paracoquimbite, la lapparentite et l’amarillite.

Ses principaux travaux appartiennent au domaine de la cristallographie géométrique. C’est lui qui introduisit le vocable de « syntaxie » pour décrire le phénomène d’« épitaxie » entre certains cristaux. Il a pu établir des comparaisons entre le réseau morphologique des systèmes cristallins au réseau structural que définissent la rayons X tout en respectant l’énoncé de la loi de Bravais. Il donne également les bases d’une méthode originale de notation des faces des cristaux du système rhomboédrique.
Ayant beaucoup voyagé, sa bibliographie ne compte que 41 titres publiés de 1906 à 1936, mais elle a été suffisante pour faire connaître le cristallographe de génie qu’il était, sans doute l’un des meilleurs de son temps.

La collection régionale (le massif vosgien)

Sa collection régionale compte quelque 374 échantillons. Elle a été acquise à titre onéreux en 1937 par le laboratoire auprès de sa veuve, pendant que sa collection principale fut achetée par l’Université de Liège où elle se trouve toujours.
Elle est représentée par des échantillons de l’ensemble des Vosges. Le secteur le mieux représenté est celui du gisement minier du Val de Villé qu’il exploite pendant cinq ans. Les échantillons, autrefois utilisés en partie pour les cours, sont de belle qualité et bien cristallisés ; ils devaient permettre l’observation descriptive au dépend de l’objet de collection.

Témoignage

« … il n’était point un simple collectionneur mais avant tout un mesureur de cristaux, qui a effectué des milliers de mesures d’angles (35 cahiers de mesures !) et qui s’est toujours efforcé de faire entrer ses résultats dans le cadre théorique de la cristallographie française.
Cet homme était loin d’ailleurs d’être un spécialiste aux limites étroites ; sa culture était très vaste et touchait à tous les domaines, il était un véritable humaniste scientifique. Sa compétence s’étendait aussi bien à la botanique qu’à l’entomologie et à l’ornithologie, ce qui ne l’empêchait pas de s’intéresser à la philologie et de lire les auteurs grecs et latins dans leur texte. »

René Weil, juin 1937, Laboratoire de minéralogie de Strasbourg.

17 février 2014